Peut-être vous étiez-vous, vous aussi, à la lecture du récit des AG de Canal+ sur Les Jours, habitués au food-truck vert bouteille installé devant le siège, à Boulogne-Billancourt, là où les salariés se réunissent depuis qu’a été annoncé le plus gros plan social de l’histoire du groupe. Eh bien, fini les burgers, fini les frites, fini le reggae sorti du vieux TUB Citroën recyclé en mangeoire bobo : c’est vraiment la dèche à Canal+, un pauvre petit triporteur l’a remplacé, du même vert, mais qui vend désormais des salades. Régime sec. D’ailleurs Laurent d’Auria, secrétaire du CSE, se la joue contrit en introduction de l’assemblée générale : « On s’excuse pour l’organisation, le camion à burgers est à Eiffel (l’autre siège de Canal+, à Issy-les-Moulineaux, ndlr), vous ne pourrez pas déjeuner. » Rions un peu devant Canal+, c’est peut-être pas demain que ça se reproduira.
Et peut-être même est-ce là le dernier rassemblement des salariés au sujet du plan social. Le premier, en juillet dernier, s’était tenu face à une assemblée nombreuse et sidérée de découvrir l’ampleur de la charrette : 544 postes, soit 20 % des effectifs en France. Le second, il y a un mois, sentait la poudre face à une direction obtuse qui refusait de céder sur les indemnités de départ. Ce jeudi, le troisième a un goût bizarre, mélange de victoire et de capitulation. La direction a fini par accepter d’allonger la monnaie, oui mais voilà : maintenant, il va falloir partir.

Cette fois, ça y est et les étapes se matérialisent, crues, concrètes, brutales. 15 décembre : fin du processus d’information des représentants du personnel qui va donner son avis sur le plan social (ce sera non, mais uniquement consultatif). Un « espace information conseil », ainsi qu’on appelle délicieusement ces structures créées pendant un plan social, va ouvrir, tenu par une boîte au nom tout aussi délicieux, Alixio, où les salariés recevront de ce cabinet, indépendant de Canal+, toutes les billes pour se décider. Du 15 janvier au 15 avril, ce sera alors le moment, comme dit une employée, de « lever le doigt » et de se déclarer candidat. Et au 30 juin, toutes les ruptures de contrat devront avoir été signées. À tchao bonsoir, comme disait l’autre en latex. Déjà, en quatre ans de Vincent Bolloré à Canal+, on dénombre 700 départs : la moitié via les plans sociaux qui ont déjà touché les centres d’appels, Les Guignols ou celui, non officiel, de feu i-Télé, et l’autre moitié au fil de l’eau, par négociations individuelles.