Entre Paris et eux s’accumulent 40 kilomètres d’obstacles : le périph, une boucle de la Seine, l’autoroute A13, puis le château de Versailles. C’est à la fac de droit de Saint-Quentin-en-Yvelines que nous ont donné rendez-vous, vendredi dernier, sept jeunes du Trappy Blog. Âgés de 18 à 26 ans, ils sont de la même génération que les étudiants de Tolbiac (lire l’épisode 4, « “Dégagez-moi tous ces photographes, là !” »), Jean le normalien (lire l’épisode 6, « L’éducation manifentale ») et les membres du Mili (lire l’épisode 7, « Les gentils désorganisateurs »). Mais contrairement à eux, les blogueurs jettent sur les manifestations un œil assez lointain. Cela ne les empêche pas d’avoir beaucoup à dire sur la mobilisation contre la loi El Khomri, leurs engagements citoyens et leur insertion professionnelle.
Inès, 19 ans, étudie à Sciences-Po Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), le dernier-né des dix instituts d’études politiques (IEP) français, inauguré à la rentrée 2014. La jeune fille a entendu dire, mais trop tard, qu’une AG sur la loi travail s’était tenue à l’IEP. Elle aurait beaucoup aimé
manifester mais s’est sentie dépourvue : Je ne savais pas avec qui y aller, où aller et comment y aller.
Pour moi, c’est quelque chose qui se passe à Paris, pour les Parisiens.
Plusieurs partagent ce sentiment d’étrangeté face au mouvement étudiant. Comme Dikra, 19 ans, en première année de droit dans ce bâtiment de la fac de Saint-Quentin. Dans mon ancien lycée, à Trappes, on pourrait jamais envisager une manifestation ou un blocage. On nous a jamais pris en charge. On nous a pas politisés, quoi.
Encore plus touchée
par feu la réforme sur la déchéance de nationalité que par la loi travail, elle n’a jamais vécu de manif
. Pour moi, c’est quelque chose qui se passe à Paris, pour les Parisiens. On est un peu trop loin de ce qui se passe là-bas. C’est trop différent de nous.

Najoie, 25 ans, en master de droit à Saint-Quentin, dégage une sacrée assurance. Posée, elle résume : Concrètement, il n’y a rien eu ici. C’est plutôt une fac de droite. Je ne sais pas ce qui se passe dans les autres bâtiments.
Elle évoque le fait que l’Unef n’aurait plus le droit de tracter dans la fac de droit depuis des incidents il y a quatre ans, mais n’en sait pas plus. Tristan, 23 ans, en recherche d’emploi, constate que la mobilisation ne se passe pas dans (leurs) rues
. La dernière fois qu’il y a eu une manifestation lycéenne ici, c’était en octobre 2010, contre les retraites. Ça date quand même un peu.
Inès : On n’est pas venu nous chercher pour nous proposer de venir à la manifestation.
Mehdi : Et ça vous aurait pas paru bizarre ?
Dikra : Non, je pense pas. S’il y avait un minimum d’organisation, je serais partie, que ce soit contre la loi travail ou la déchéance de nationalité. Les deux m’énervent complètement.
Les Jours : Qui aurait pu venir vous chercher ?
Dikra : N’importe quelle organisation aurait pu le faire.
Tristan : Il y a des syndicats qui sont là pour ça, des syndicats lycéens.
Les blogueurs présents partagent quelques points communs : des origines étrangères, pour pas mal d’entre eux algériennes, le fait d’avoir grandi dans des quartiers populaires éloignés de Paris et un budget plutôt serré.