De Marseille
Le corps a été découvert aux alentours de 7 h 30, le 18 novembre 2016 sur un sentier de la Batarelle au massif de l’Étoile, en surplomb des quartiers nord de Marseille. Il était brûlé et portait la marque de deux balles de fusil de chasse, sur le thorax et à la tête. Le joggeur qui achevait sa promenade l’a trouvé si « petit » et si « fin » qu’il a pensé que c’était une femme. Mais c’était un enfant. Rudy, 15 ans, originaire du quartier populaire de la Belle de Mai (IIIe arrondissement), n’était pas rentré chez lui la veille. Il avait été vu pour la dernière fois aux alentours de minuit dans un appartement de la cité Jean-Jaurès (XIVe arrondissement), là où il travaillait parfois comme guetteur pour le trafic. Si l’enquête est parvenue à identifier deux suspects, c’est grâce au courage inhabituel de Nourdine, Nathan et les autres copains de charbon de Rudy qui, devant la police, n’ont pas hésité à livrer des noms. Ceux de Samir, surnommé « ZZ » et Khadim, appelé « Jimmy », aujourd’hui 26 et 28 ans. Le vendredi 10 décembre, les deux accusés ont été condamnés par la cour d’assises d’Aix-en-Provence à la réclusion à perpétuité, assortie d’une mesure de sûreté de 22 ans. Ils ont annoncé faire appel.
On sentait une vraie peur, mais aussi une certaine cohésion entre ces copains, qui sont venus nous voir plus ou moins spontanément et ont parlé dès les premières auditions. Malgré les risques de représailles. C’est très inhabituel.
Décrits comme des trafiquants redoutés, Samir et Khadim n’ont cessé de se dire innocents. L’enquête ne permet d’ailleurs pas d’établir un enchaînement précis des faits. Dans quelle voiture Rudy s’est-il laissé embarquer le 17 novembre au soir ? Que s’est-il passé durant la nuit ? Qui a tiré, quand, et où ? Et surtout, qui savait ? Qui a aidé à l’assassinat ? Toutes ces questions ont été évoquées. Aucune certitude n’en ressort. Au milieu des doutes et des rumeurs, il y a un contexte. Celui d’une guerre des clans dans le quartier des Arnavaux, à cheval entre les XIVe et XVe arrondissements. Il y a aussi les contours d’un mobile, identifié par le directeur d’enquête entendu par la cour le mardi 7 décembre, au deuxième jour du procès. D’emblée, l’homme explique avoir été « surpris » par les témoignages des amis de Rudy. D’ailleurs, le dossier n’existerait pas sans la parole de Nourdine, seul témoin oculaire. C’est lui qui a vu son copain partir avec les deux accusés le soir du 17 novembre 2016.
« Immédiatement, Nourdine nous a donné les noms de “ZZ” et “Jimmy”, rappelle le directeur d’enquête.
Est-ce que vous avez décelé un sentiment de peur dans les auditions ?, interroge le président de la cour d’assises.
On sentait une vraie peur, mais aussi une certaine cohésion entre ces copains, qui sont venus nous voir plus ou moins spontanément et ont parlé dès les premières auditions. Malgré les risques de représailles. C’est très inhabituel.
Cette bande est identifiée comme celle des guetteurs de Jean-Jaurès, tout comme la victime. Était-elle connue de vos services ?
Hormis pour des dossiers de vol et de stupéfiants, absolument pas. Pour les jurés, cela peut paraître déjà beaucoup, mais pour ce milieu, c’est rien. Rudy n’était pas un vrai voyou si je peux dire, mais un petit délinquant. Il n’était pas dans nos radars. »
Mais Rudy avait assisté à une scène capitale, un mois avant son assassinat. Le 21 octobre 2016, deux hommes sont abattus à bord d’une Clio stationnée devant le KFC de Plombières, dans le XIVe arrondissement.