De Marseille
Par respect pour la mémoire du défunt, la HCup a effacé son visage des réseaux. Younes avait participé au tournoi de football interquartiers non pas en ignorant le danger, mais malgré lui. Il avait répondu présent aux entraînements. Il portait le maillot bleu ciel, celui de l’équipe de son quartier : Malpassé (XIIIe arrondissement). Il était radié par la FFF pour avoir joué sous une fausse licence. Mais on le savait passionné, solide. Le 25 juin 2021, sa mort passe presque inaperçue dans la presse, accaparée par le second tour des élections régionales fixé deux jours plus tard. Mais pour les quartiers nord, la déflagration est immédiate. Elle sonne le premier coup de l’horreur, celle d’un été marqué par douze règlements de compte. Younes fut le premier à tomber. Il avait 32 ans, une femme et deux enfants.
Après un lancement à l’arrache sur la fin du premier confinement, les organisateurs de la HCup avaient pensé un projet en béton. L’édition de 2020 avait déjà connu un franc succès. On retrouvait des amis d’enfance perdus de vue depuis des années, les rencontres se terminaient autour de barbecues et chaque week-end fédérait de nouveaux spectateurs. Pour cette deuxième édition, douze équipes étaient réunies, avec le soutien de la municipalité. Sur Instagram, on peut encore jauger la somme du travail abattu : des portraits en vidéo, des commentaires sur chaque sélection, des teasers en HD, des instantanés de matchs capturés en plans serrés.
Le drame survient lors de la septième journée de compétition. Les joueurs de Malpassé et de « la Soli » (la Solidarité, dans le XVe arrondissement), deux des équipes à l’origine du tournoi, quittent le stade de La Martine sur un match nul. Place à la rencontre suivante, qui oppose le Plan d’Aou (XVe arrondissement) et la Busserine (XIVe arrondissement). Au début, certains pensent à des pétards. Puis l’on comprend. Abdallah, un autre joueur de Malpassé, réapparaît en sang devant le vigile à l’entrée du stade. Il a été touché par les tireurs. La porte se referme derrière lui. Dehors, Younes est déjà mort. Faire le récit d’un règlement de compte, c’est faire face au silence. Celui de la HCup qui, au terme d’un débat sain mais douloureux, s’est résolue à clore le tournoi après le drame. Celui de tout un quartier en deuil, la grande barre des Lauriers et ses 400 logements sociaux au cœur de Malpassé. Et celui de l’enquête. Pour le moment, personne n’a été mis en examen pour la mort de Younes.