«Êtes-vous allé en Syrie pour essayer de récupérer votre fils, monsieur Mostefaï ? Vous connaissez monsieur Amimour ? Lui, il a essayé. » En trois mois d’audience, Jean-Louis Péries n’a encore jamais paru aussi suspicieux. À demi-mot, le président de la cour d’assises spéciales reprocherait presque au père de l’un des assaillants du Bataclan, Ismaël Omar Mostefaï, de ne pas avoir franchi, illégalement, la frontière syrienne pour arracher son fils aux griffes de l’État islamique (EI). En ce mois de décembre à la cour, le ton envers les familles des terroristes est le plus souvent accusateur. En filigrane, cette impression que si leurs fils ont commis l’irréparable, c’est sûrement parce que, eux, parents, n’ont pas réussi à empêcher leur radicalisation, leur départ, leur entraînement, leur retour, leur crime.
Dès le lendemain des attentats, les enquêteurs avaient arrêté des familles entières, interrogé pendant plusieurs jours des parents, des frères, des sœurs (lire l’épisode 3, « Dans la nuit, l’enquête monstre commence »). Il fallait, évidemment, mesurer le degré d’implication de chacun dans les attaques. L’aîné de la famille Mostefaï, Houari, en sait quelque chose. Le 13 novembre 2015, son petit frère entre, lourdement armé, dans le Bataclan et tue, avec Samy Amimour et Foued Mohamed-Aggad, 90 personnes (lire l’épisode 2, « 13 novembre 2015, si longue est la nuit »). Houari se trouve à quelques rues de la salle de concert. Avec sa femme, ils sont de sortie.