L’écran encore blanc où sont projetées des pièces issues des scellés de l’instruction redescend lentement au-dessus du tribunal. Ce jeudi, Gilbert Azibert s’est de nouveau positionné à la barre et tient à s’exprimer avant tout le monde. La présidente n’y voit pas d’inconvénient. Le haut magistrat se montre très agacé : « Pour vous éviter un travail laborieux et inutile, toutes les mentions dans mon agenda sont de ma main et je les confirme. J’ai préparé moi-même une question que vous me poserez… » Le ministère public poursuit quand même son interrogatoire sur ses rendez-vous avec des avocats et des hauts magistrats travaillant sur l’affaire Bettencourt. Son agenda s’affiche en grand, avec des annotations entourées de rouge. « Si ça continue, je vais demander une suspension d’audience ! », fulmine celui qui, d’après l’accusation, est l’homme-pivot de l’affaire des écoutes.
Début 2014, Nicolas Sarkozy veut empêcher la saisie de ses agendas dans le cadre de l’affaire Bettencourt. Il se pourvoit en cassation et son avocat, Thierry Herzog, discute à plusieurs reprises avec Gilbert Azibert, avocat général dans une des chambres de cette même cour, de l’évolution du dossier et de l’issue possible de l’avis final. À la même période, Gilbert Azibert convoitait un poste de fin de carrière à Monaco. Thierry Herzog en parle à Nicolas Sarkozy pour qu’il intervienne en sa faveur. « Je l’aiderai », dit l’ex-chef de l’État dans les écoutes. L’accusation décèle, dans cet échange de bons procédés, trafic d’influence et corruption. Mais depuis qu’il est interrogé, le haut magistrat assure qu’il se contentait alors de se renseigner sur les affaires en cours par simple intérêt juridique.

La veille, l’audience a été suspendue dans une ambiance de psychodrame. L’un des rendez-vous entre Gilbert Azibert et l’avocat Pierre Haïk a été évoqué par le parquet. La défense s’est offusquée du soupçon porté sur l’un des leurs, qui aurait dû être présent à l’audience mais a dû renoncer à la défense de Nicolas Sarkozy pour raisons de santé. Sa femme, Jacqueline Laffont, qui a pris sa suite, est sortie de la salle en pleurs. Au même moment, dans la confusion générale, il a fallu séparer deux avocats sur le point d’en venir aux mains. Pendant que Nicolas Sarkozy filait se réfugier tout au fond de la salle, au niveau des bancs clairsemés du public