Perchée sur des pilotis à l’apparence précaire, la passerelle provisoire dégueule un flot humain débarquant du terminal de bus. Tous marchent d’un pas pressé vers l’entrée du parc olympique, impatients de passer les portiques de sécurité après deux heures de transport. Les flics se marrent vautrés sur le capot de leur bagnole, les bénévoles gesticulent dans différentes langues pour indiquer que oui, il faut continuer tout droit, et les voitures officielles foncent sur leur bande réservée en klaxonnant les imprudents qui veulent profiter des embouteillages sur l’autre voie pour traverser au feu vert. En remontant le flux, derrière la passerelle, l’ambiance est tout autre. Ce cinquième jour des jeux, à 14h30, la petite rue de la nouvelle Vila Autódromo, construite à la hâte après une longue lutte des derniers résistants aux expulsions, est presque déserte.
On a eu un Japonais qui se renseignait parce que les expulsions ont déjà commencé pour les prochains JO là-bas, mais sinon les touristes ne viennent pas, sauf ceux qui se perdent et quelques curieux qui voient nos banderoles depuis le parking
, explique Dona Penha, qui a des petits yeux aujourd’hui. Malgré le calme, en une semaine, le quartier semble déjà avoir retrouvé un semblant d’âme. Les nouvelles maisons, toutes identiques et anonymes à leur livraison fin juillet, commencent à se démarquer les unes des autres. Ici, une petite table ; là, une immense roue de moulin colorée posée à côté d’une porte d’entrée ; un joyeux foutoir devant une autre et des banderoles revendicatives sur la plupart…

Mais surtout, les habitants ont posé devant sept des maisons des œuvres fabriquées par des étudiants en architecture à partir des débris des logements détruits. Le museu das remoções (« musée des expulsions ») veut rendre hommage à la lutte de Vila Autódromo. Lancé en mai 2016, il a failli disparaître lorsque les machines ont rasé ce qui restait des maisons la semaine dernière. On a réussi à sauver presque toutes les pièces et maintenant, on les expose à la vue de tous. On veut préserver notre mémoire, c’est à ça que servent les musées, non ?
dit Dona Penha. Les habitants veulent aussi continuer à attirer l’attention des journalistes. On veut diffuser notre lutte, servir d’exemple pour d’autres ! Tout ça n’a pas eu lieu juste pour ces quelques maisons.
Ce jeudi, une seule journaliste est sur place, mais Dona Penha affirme que beaucoup sont déjà venus depuis le début des Jeux.