Et on applaudit bien fort Melomys rubicola ! D’abord, parce que les autorités australiennes ont annoncé officiellement il y a quelques jours que le petit rongeur avait rejoint la liste des espèces éteintes sur terre. Mais surtout, parce qu’il est le premier animal au monde à devoir sa disparition au changement climatique. Et félicitations à celui qui a permis ça : Homo sapiens ! Chapeau l’artiste !
Découvert au XIXe siècle, ce rongeur vivait à Bramble Cay, et seulement à Bramble Cay, un îlot de 5 hectares entre la Grande Barrière de Corail et la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Le point culminant de ce caillou s’élève à 3 mètres au-dessus de la mer. Plutôt maigre pour faire face à la hausse du niveau de la mer et aux vagues qui déferlent toujours plus nombreuses, toujours plus intenses. Ce sont elles qui auraient eu la peau de la grosse dizaine de Melomys rubicola qui subsistaient encore il y a une quinzaine d’années.
« Le “Bramble Cay melomys” était un petit rat brun, mais c’était notre petit rat brun. C’était notre responsabilité de nous assurer qu’il vive et nous avons échoué », a commenté Tim Beshara, porte-parole de l’ONG The Wilderness Society.
Il y a les moustiques porteurs de virus qui s’aventurent dans des contrées autrefois trop froides. Il y a les victimes des vagues de chaleur toujours plus fréquentes, toujours plus intenses dans le monde. Désormais, il y a aussi une étude, publiée par la revue scientifique Plos One, qui pointe un autre effet sur la santé du changement climatique : celui-ci pourrait être associé à un boom du HIV.
Pour comprendre comment, poussons quelques dominos. L’épidémiologiste américaine Andrea Low a travaillé sur le cas du Lesotho, où la pandémie de sida est aujourd’hui, si ce n’est au point mort, au moins sous contrôle. Elle a d’abord observé où les sécheresses avaient frappé entre 2014 et 2016, puis elle a mouliné ces données avec celles d’une enquête nationale sur l’épidémie de VIH menée en 2016 et en 2017. Résultat : « La sécheresse au Lesotho est liée à une prévalence supérieure de HIV chez les filles de 15 à 19 ans dans les zones rurales (…) et avec des comportements à risques renforcés chez celles âgées de 15 à 24 ans. »
Essentiellement pour des raisons statistiques, la chercheuse se refuse cependant à affirmer que les faibles précipitations sont la cause directe de la hausse du nombre de contaminations. Mais, dans une interview donnée à Libération, elle rappelle que le changement climatique devrait entraîner des migrations conséquentes de populations. Or, celles-ci, loin de chez elles et appauvries, pourraient ne plus bénéficier de la même qualité de soins et des mêmes traitements… et par là même filer un bien mauvais coup de pouce à l’épidémie de sida.
Le monde entier est un cactus ? Pas si sûr. Aux États-Unis, il en existe un qui ne fait pas le malin : le peyotl. Sans épines, il est connu pour ses propriétés psychotropes et son usage – légal – dans des rituels sacrés amérindiens. On le trouve essentiellement au Mexique, mais aussi au Texas, où est allé enquêter il y a quelques semaines le magazine américain Vice, jamais le dernier quand il s’agit de parler drogues.
Mais cette fois, pas d’article titré « Comment j’ai conduit une mobylette sur l’autoroute et sous cactus » mais un plutôt sobre « Le déclin du peyotl américain ». Car la situation décrite par le journaliste Daniel Oberhaus est préoccupante : depuis 1998, le nombre de boutons de peyotl – on les consomme séchés, en infusion ou chiqués – vendus au Texas n’a fait que baisser. À tel point que la crainte de l’extinction de la plante aux États-Unis ne serait plus infondée.
En cause, le braconnage, un peu, mais surtout la destruction de l’habitat du cactus. En effet, les fermiers du Texas n’en finissent plus de labourer en profondeur pour préparer les pâturages de leur bétail. Ce qui tend les relations entre agriculteurs et récoltants de peyotl, eux qui louent temporairement ces terres pour leur cueillette. La solution serait sans doute de mettre tout le monde autour d’une table, mais jusqu’ici les fermiers s’y refusent. Oui, pour eux, il est impossible de s’asseoiiiiiiiiiir.
C’est une belle enquête menée la semaine passée par le Los Angeles Times, au sens Agatha Christie du terme. Alors, en salle de garde à vue, commençons les présentations du suspect. Nom : « Méthane », connu aussi sous le sobriquet de « CH4 ». Profession : gaz à effet de serre facteur de changement climatique. La nature des charges ? Le niveau de méthane dans l’atmosphère a cessé d’augmenter il y a une vingtaine d’années, avant de recommencer à grimper en 2007… pour une raison mystérieuse. Depuis 2014, il connaît même un boom, documenté par une récente étude menée par Euan Nisbet, du collège Royal Holloway de l’université de Londres.
Suivons pas à pas les investigations du quotidien américain. D’abord, si le méthane est produit naturellement par la décomposition d’animaux ou de végétaux – dans les zones humides, notamment –, la moitié des émissions sont du fait de l’homme : fuites des puits de pétrole et de gaz, exploitation de mines de charbon, élevage bovin, etc. L’article du Los Angeles Times rappelle ensuite que si le CO2 reste plus longtemps dans l’atmosphère, le méthane a un potentiel de réchauffement global environ 30 fois plus élevé. Depuis la révolution industrielle, il est d’ailleurs responsable pour un tiers de la hausse des températures mondiales.
Mais alors, quelle est la cause du récent boom ? Pour le savoir, sortons une balance, car certaines molécules de méthane pèsent plus que d’autres : or, dernièrement, le poids moyen de ce gaz dans l’atmosphère a baissé. Cela met sur la piste des zones humides et des bovins, émetteurs de méthane « léger ». Et disculpe par là même les énergies fossiles, productrices de méthane « lourd » ? Pas si sûr : les estimations mondiales tendent plutôt à montrer une hausse de leur sympathique contribution. Alors, inspecteur ? Alors, l’agriculture sur brûlis, génératrice de méthane extralourd, étant en recul dans les pays en développement, cela a pu orienter les chiffres généraux à la baisse… et cacher la hausse des émissions liées au pétrole, au gaz, au charbon…
Reste une possibilité, évoquée par la journaliste Julia Rosen : que les sols et les sédiments de l’Arctique aient commencé à libérer des quantités énormes de méthane à la faveur de la fonte du continent (lire l’épisode 25, « Trou story »). Un désastre.
Aaaah, la Tasmanie ! Sa faune endémique, ses paysages sauvages et mystérieux… Cette île perdue au sud du continent australien fait rêver tous ceux qui n’y sont jamais allés. Elle donne aussi son nom au huitième album du groupe australien Pond, Tasmania, qui vient de sortir. Encore un disque traversé par les questions climatiques. On est loin de l’époque où des stars se réunissaient pour des grandes chansons humanitaires, façon We Are the World, mais l’état de notre planète inquiète de nombreux musiciens.
Comme Deerhunter (lire l’épisode 16, « Deerhunter, l’être et le disparaître ») il y a quelques semaines, Pond fait dans le constat désemparé : « Je ne sais pas où nous avons merdé. Le problème, c’est peut-être que nous voulons toujours plus », disait son chanteur Nick Allbrook il y a peu. Malgré tout, il croit encore au futur : « Peut-être qu’il reste ce qu’il faut de bonté humaine pour empêcher le monde tel qu’on le connaît de disparaître trop vite. » Tasmania est d’ailleurs un disque lumineux et positif dans ses rythmiques. Un album de pop psychédélique dans la droite ligne de la jeune scène australienne actuelle, dominée par la figure de Tame Impala. C’est d’ailleurs le leader de ce groupe, Kevin Parker, qui a mixé Tasmania.
Pourquoi Tasmania, du coup ? « Je devrais aller construire une cabane en Tasmanie avant que la couche d’ozone ne disparaisse », dit la chanson-titre. C’est une expression courante en Australie… Nick Allbrook la reprend à son compte pour nous dire d’arrêter de fantasmer des refuges qui n’existent plus sur la Terre. Il y a peu, la Tasmanie a connu son mois de janvier le plus sec jamais enregistré et des incendies catastrophiques qui ont détruit des forêts millénaires.
Le clip de Daisy :
À lundi (si on tient jusque-là).