Prêt·e·s pour une nouvelle douche sous les effets en cascade ? Attention, elle est gelée, mais pas écossaise, plutôt danoise. Vous vous rappelez de cette sombre histoire de changement climatique, n’est-ce pas ? Eh bien, au Groenland, comme au Svalbard norvégien, il se fait plus sentir qu’ailleurs : depuis 1990, les températures y ont grimpé en moyenne de 1,8 degré l’été, de 3 degrés l’hiver. Logiquement, les épisodes neigeux sur l’île se transforment de plus en plus en pluies, explique une récente étude publiée dans la revue scientifique The Cryosphere. En compilant les données de satellites et de stations météo locales de 1979 à 2012, les chercheurs du Earth Institute de l’université de Columbia à New York ont calculé que les conditions favorisant la pluie ont doublé l’été, mais surtout triplé durant l’hiver.
Les conséquences de ce changement sont désastreuses : la pluie a évidemment tendance à accentuer la fonte de la glace de l’inlandsis groenlandais, la calotte polaire arctique. Un tiers de l’eau liquide rejetée à la mer proviendrait désormais de ce dégel, différent de celui des glaciers, mais accentuant d’un même élan la hausse du niveau des océans.
Pire, une fois tombée, la pluie continue à faire fondre la neige au sol pendant plusieurs jours. Pire encore, quand il gèle à nouveau, l’eau se transforme en glace, qui, étant plus sombre et plus solide que la surface autrefois neigeuse et poreuse, est plus sensible aux rayons du soleil. Pire toujours, la fonte est alors plus rapide, boostant les ruissellements vers l’océan.
«Tordant sa souple queue en spirale, il en fouette
Le tronc de l’acajou d’un brusque enroulement ;
Puis sur sa patte roide il allonge la tête,
Et, comme pour dormir, il râle doucement. »
Du poète Leconte de Lisle à Jean Reno, le jaguar a inspiré les plus grands. Avec un point commun, toujours, c’est un des symboles de l’Amérique – pas des États-Unis, du continent tout entier. Pas étonnant, donc, de le retrouver, sur le blason d’équipes de football américain à Jacksonville, de fútbol à Córdoba, en Colombie, et de rugby à Buenos Aires, en Argentine. Pas étonnant non plus de constater qu’être un symbole ne garantit en rien la préservation de son mode de vie. C’est ce que déplore Esteban Payán, directeur de la branche sud-américaine de l’ONG Panthera, dans une récente interview au site Mongabay Latam.
Le zoologiste explique : « En Colombie existent des zones très étroites et vulnérables qui permettent encore le flux entre jaguars d’Amérique du Sud et d’Amérique centrale, mais elles sont si ténues que si un propriétaire terrien achète une grande portion de terrain, le couloir sera coupé. » Avant d’ajouter : « La zone entre le Panama et la Colombie est si fragile que si les taux de déforestation et de détérioration de l’écosystème restent les mêmes, en dix ans, voire moins, la connexion n’existera plus. » Déjà éradiqué de 40 % de sa zone de répartition historique, le jaguar doit subir un morcellement toujours plus fort de son habitat. Si bien qu’aujourd’hui l’Union internationale pour la conservation de la nature considère l’espèce comme « quasi menacée », avant peut-être de la classer comme « espèce vulnérable » dès cette année.
Aux États-Unis, la situation est encore plus critique : le jaguar n’y fait plus que de rares apparitions depuis le Mexique, dans le désert de Sonora, en Arizona et en Californie. Mais cette fois, le danger s’appelle plutôt Donald (vous l’avez ?) : si le mur du président américain se construit, fini, les promenades transfrontalières.
Vous vous souvenez du 25 janvier dernier et de la catastrophe du barrage brésilien de Brumadinho, déjà évoquée ici (lire l’épisode 20, « Cri de barrage ») ? C’est bien. Vous vous souvenez du 5 novembre 2015 et de la catastrophe du barrage de Bento Rodrigues, dans le même État de Minas Gerais ? C’est mieux. Car c’est sur les conséquences de celle-ci que s’est penchée une récente étude. Mais reprenons plutôt ce que l’on sait, voulez-vous.
L’« extractivisme » minier est un facteur majeur de déforestation au Brésil, et par là même aggrave le changement climatique. Le manque d’entretien et l’absence de contrôles dignes de ce nom ont provoqué les deux drames, derrière lesquels on retrouve une même entreprise, la multinationale brésilienne Vale. Le 5 novembre 2015, la rupture de deux barrages en remblai noie le village de Bento Rodrigues sous des dizaines de millions de tonnes de déchets de minerai de fer, tuant 19 personnes.
La contamination, elle, suit le courant sur plus de 600 kilomètres : d’abord le rio Gualaxo do Norte, puis le fleuve Doce. On savait qu’elle avait laissé derrière elle des tonnes de poissons morts, des eaux polluées au plomb, à l’arsenic et au mercure, à tel point que trois ans plus tard, la pêche est toujours interdite dans de nombreuses zones de la région. Ce que l’on ignorait, c’est l’impact sur les eaux de l’Atlantique. Or, les travaux menés par le chercheur en biosciences Heitor Evangelista, de l’université de l’État de Rio de Janeiro, sont édifiants : les coraux de l’archipel des Abrolhos, à 200 km de l’embouchure du rio Doce, ont été nettement affectés par les métaux lourds de Bento Rodrigues. Pas au point de les faire disparaître, mais il n’est pas dit que des animaux n’en soient pas morts.
Car, comme le signale un autre biologiste, Rodrigo Leão de Moura, dans un article paru dans Hakai Magazine, les Abrolhos, « c’est la barrière de corail avec la plus grande biodiversité de l’Atlantique Sud ». C’est aussi « la principale région de reproduction des baleines à bosse et une étape pour les tortues de mer et les oiseaux migrateurs ». L’archipel pourrait mettre des années à s’en remettre.
Certes, on le sait grâce aux talents d’enquêteur de Jean-Michel Aphatie, l’ONU est remplie d’ex-présidentes chiliennes devenues « sous-secrétaires désœuvrées », prêtes à dénigrer la police française. Certes, le chœur des éditorialistes de David Pujadas sur LCI nous a alertés sur de coupables collusions entre les Nations unies et La France insoumise contre notre beau pays. Mais allez, soyons magnanimes et écoutons malgré tout ce que l’organisation onusienne pour l’environnement, le PNUE, a à nous dire. Ce mercredi, elle a mis en ligne son sixième « rapport sur l’avenir de l’environnement mondial », une somme écrite par 250 chercheurs, dont la cinquième édition datait de 2012. Et surprise, c’est l’inquiétude sanitaire qui semble l’emporter plutôt qu’une joie inextinguible.
Extraits (inspirez un grand coup) : « Les mauvaises conditions environnementales (…) sont à l’origine d’environ 25 % des maladies et de la mortalité dans le monde. » « En 2015, la pollution de l’environnement a causé près de 9 millions de décès. » « La pollution atmosphérique est le principal facteur environnemental qui contribue à la charge mondiale de morbidité, entraînant de 6 à 7 millions de décès prématurés. » « En raison des polluants présents dans nos systèmes d’eau douce, la résistance anti-microbienne deviendra la première cause de décès à l’horizon 2050 et les perturbateurs endocriniens affecteront la fertilité des hommes et des femmes, ainsi que le développement neurologique de l’enfant. » « Des villes et des régions entières en Asie, au Moyen-Orient et en Afrique pourraient connaître des millions de décès prématurés d’ici le milieu du siècle. » Expirez…
Selon le document, « il est urgent de traiter en priorité la question des changements climatiques ». Pourquoi ? « Car ils affectent tant les systèmes humains, en particulier la santé, que les systèmes naturels – l’air, la biodiversité, l’eau douce, les océans et la terre – et modifient les interactions complexes entre ces systèmes. » Heureusement, ce n’est que l’ONU qui le dit.
Dans The Survivalist, les personnages soufflent, halètent, très fort. Si le travail du son est si important dans ce long métrage sorti en 2015 (malheureusement pas en France), c’est sans doute que respirer est la première chose à préserver quand il n’y a plus rien. Retour aux bases quand la fin du pétrole a entraîné la quasi-extinction de l’humanité, comme l’annoncent deux sobres courbes de couleur dès le générique. Après l’air, la nourriture, que le héros solitaire et anonyme s’applique à faire pousser devant sa cabane, dans les bois, une arme toujours à portée de main. Et puis dormir, faire sa toilette, sa lessive, du feu. Autant d’activités que le réalisateur nord-irlandais Stephen Fingleton filme au plus près, pendant de longues minutes. L’homme survit, très efficacement… et l’on en vient à se demander pourquoi. À quoi bon tout ça ?
Une mère et sa fille surgissent alors, demandent de quoi manger : il refuse, avant d’accepter un échange nourriture contre sexe avec la jeune Milja. À partir de là, dans le trio, la défiance et la violence l’emportent. Et, bien sûr, la peur : de la famine, d’être tué par l’un·e ou l’autre… ou d’autres encore. Partisans de la théorie de l’entraide post-effondrement de Pablo Servigne, passez votre chemin. Ici, on ne baisse pas la garde, jamais, comme dans tout bon survival dystopique.
Alors pourquoi ce film plutôt que l’infâme téléréalité de Netflix Familles apocalypse ? Parce que le réalisateur déploie en virtuose une tension qui jamais ne se relâche – on a rarement vu des scènes de jardinage aussi stressantes ! Parce que le souci du détail, ces muscles, ces os, ces nerfs, ces aisselles sales. Parce que, enfin, le film interroge, dans une économie de mots remarquable, la valeur des besoins et des désirs humains. Haletant.
Bande-annonce :
À lundi (si on tient jusque-là).