Lira-t-on un jour l’étude que mène depuis de longs mois le Centre national de la musique (CNM) sur la question envahissante de la manipulation des streams ? Lancée en 2021, elle se déploie en trois volets que nous avons déjà évoqués dans cette enquête : lister les pratiques frauduleuses (lire l’épisode 2, « Les fraudeurs spottent la faille »), en mesurer l’ampleur (lire l’épisode 1, « Fraude avec les stars ») et envisager des solutions (lire l’épisode 4, « La musique en guerre contre les streams crapuleux »). Aujourd’hui, c’est sur le deuxième volet que ce travail complexe est en train de s’embourber, au point que le CNM a déjà renoncé à publier son étude au mois de juin comme prévu. Car, selon nos informations, Spotify refuse à ce jour de communiquer ses données d’écoutes dans l’Hexagone, empêchant d’y mesurer la fraude. C’est particulièrement problématique tant la plateforme suédoise pèse dans le streaming en France, où elle est désormais au coude à coude avec Deezer. Sollicitée, Spotify n’a pas souhaité répondre à nos questions pour cette série.
Spotify France ne décide pas grand-chose seule et doit sans cesse demander validation à la direction internationale de la plateforme, installée à New York
— Illustration Simon Lambert/Les Jours d’après Thisisengineering.
Ces dernières années, Spotify France a pourtant collaboré, parfois dans la douleur, avec le jeune Centre national de la musique – il est né le 1er janvier 2020. D’abord pour une étude sur un éventuel changement du mode de rémunération des œuvres en streaming (lire l’épisode 4 de la saison 4, « Stream : enfin l’ère du commerce équitable ? »), puis sur un travail en cours concernant la diversité musicale dans les écoutes et la recommandation proposée par les plateformes. Chaque fois, les négociations ont duré des semaines, voire des mois, car Spotify France ne décide pas grand-chose seule et doit sans cesse demander validation à la direction internationale de la plateforme, installée à New York. Mais ces discussions ont fini par aboutir. Cette fois, alors que Spotify fait partie du tour de table depuis le début de cette étude sur la manipulation de streams, la porte a fini par se refermer il y a quelques semaines. «Cette nouvelle phase de l’étude nécessite de recueillir des données confidentielles auprès des plateformes de streaming et des distributeurs, explique diplomatiquement Romain Laleix, le directeur général délégué du Centre national de la musique. Elle passe donc par la négociation d’accords de confidentialité. Après avoir conclu de tels accords avec Spotify, Deezer et Qobuz dans le cadre de l’étude sur la diversité musicale, le CNM veut croire en la bonne coopération des plateformes de streaming.»
Le contact n’est donc pas rompu et tout le monde, dans ce petit monde qui travaille ensemble au quotidien, se parle toujours sereinement.