Cette série a reçu le Visa d’or de l’information numérique France Info 2024, décerné par le festival Visa pour l’image, à Perpignan.À Arlit (Niger)
Les balles ont fusé autour des oreilles d’Issouf, et plus d’une fois. Il mime avec ses mains des mouvements rapides à droite et à gauche de sa tête. À chaque fois, c’était en Algérie. À 33 ans, il garde un air enfantin et le sourire facile, qu’il tente de draper de sérieux en réajustant épisodiquement son turban. « Fraudeur » de métier – comme il se qualifie lui-même –, il parcourt en voiture, en long et en large, le Sahara central où il travaille depuis vingt-quatre ans. « Le seul endroit où j’ai peur ? C’est en Algérie bien sûr. Là-bas, ils vous tuent sans prévenir. » Le Sahara central : en son cœur se trouve le nord du Niger bordé de l’Algérie, de la Libye, du Mali et du Tchad. Une plaque tournante des trafics : humain, avec les migrants qui rêvent d’Europe ; de drogue, avec la route africaine de la cocaïne arrivée de Colombie sur les côtes du Golfe de Guinée et remontant vers l’Europe ; d’armes, avec les nombreux conflits de la sous-région ; et d’or, enfin, avec des quantités faramineuses qu’il faut transporter sans se faire braquer.
Cette immense région est une autoroute pour les pick-up Toyota chargés de marchandises aussi diverses qu’illicites. D’aussi loin qu’il se souvienne, Issouf a toujours été sur ces véhicules. D’abord comme apprenti : il a commencé en 1999, à 9 ans, et devait se trouver une place à l’arrière, sur le toit ou sur le marche-pied du véhicule. Il a ensuite été chauffeur d’un véhicule, puis propriétaire du sien.