Odeur de graillon et reggae – Revolution du Jamaïquain Dennis Brown. Décor classique pour réunir des salariés qu’un plan social vient de sidérer, mais les relents de friture et le son s’échappent d’un food-truck bobo – un antique TUB Citroën repeint en vert où s’affiche le slogan « In Burger We Trust » – garé sur le parvis du siège de Canal+ à Boulogne-Billancourt, en proche banlieue parisienne, dans le quartier des télés. Ce parvis, planté de bâtiments sur pilotis que rejoignent des escaliers métalliques, c’est celui des mauvaises nouvelles. Les salariés du groupe de Vincent Bolloré en ont pris l’habitude depuis que « l’actionnaire » – c’est ainsi qu’on le nomme ici, comme si prononcer son nom allait le faire se matérialiser d’un coup dans la fumée des burgers – a pris le contrôle de Canal+ en 2015. La dernière fois, c’était une marche des employés des centres d’appels – 285 personnes virées en 2017. La précédente, c’était un rassemblement en soutien à i-Télé – une centaine de départs en 2016. Là, c’est le plus gros plan social de l’histoire de la chaîne née en 1984 : 544 suppressions de postes (52 étaient vacants), 492 départs prévus entre la fin de cette année et le début de la suivante. Belle perf alors que l’été et les vacances sont bien entamés : ils sont 100 à 150 à se masser, ce jeudi, sur le parvis que surplombent les immeubles de Canal+. Des jeunes, des vieux, des moyens, de tous les services qui sont touchés par le plan de départs volontaires. On se salue : « Ah, t’es là ? », lance l’une. L’autre, de but en blanc : « Oui, encore là. »