Tour de chauffe

Conseillère de Jacques Chirac et ministre de Nicolas Sarkozy (à la Recherche puis au Budget), Valérie Pécresse, 53 ans, a longtemps été considérée comme une élue de droite conservatrice et pas très inspirée. On lui doit le très maladroit : « Je veux une région propre, rien de tel qu'une femme pour faire le ménage ! » Députée de Versailles et spécialiste des questions familiales, elle côtoie durant les années 2010 la Manif pour tous, opposée au mariage homosexuel. Devenue présidente de la région Île-de-France, elle change de position et quitte Les Républicains, critiquant la dérive droitière de Laurent Wauquiez. Elle crée alors le parti Soyons libres !, qui se veut l’expression d’une droite modérée. Si elle perd l’élection, elle a promis d’arrêter la politique. Sinon, elle rêve d’en faire un tremplin pour se présenter à la présidentielle l'année prochaine.
Une mesure forte si elle est présidente de région : une aide de 4 000 euros sur six mois pour les jeunes en formation.

Retrouvez toutes les séries avec Valérie Pécresse.

Journaliste pendant vingt-cinq ans (elle est passée par France 3, France Inter, CNews, RTL et Les Inrocks), prisée de la presse people (qui affiche sa relation avec Arnaud Montebourg ainsi que son talent pour retourner le foin – c’était dans Paris Match), Audrey Pulvar, 49 ans s’engage en 2017 dans le combat environnemental en devenant présidente de la fondation Nicolas-Hulot. Puis, elle se rapproche d’Anne Hidalgo et participe à ses côtés à la campagne des municipales. Victorieuse, la maire de Paris soutient alors celle qui est devenue son adjointe chargée des circuits courts pour conduire la liste socialiste pour les régionales.
Une mesure forte si elle est présidente de région : rendre gratuits les transports en commun pour tous les Franciliens en 2026.

Retrouvez tous les épisodes avec Audrey Pulvar.

Que dire de Laurent Saint-Martin, 35 ans, candidat LREM très terne, dont la principale caractéristique est son accent du Sud-Ouest, que l’intéressé, qui a passé son enfance à Toulouse, n’a pas perdu alors qu’il a quitté sa région natale depuis plus de dix ans ? Que l’homme a adhéré au Parti socialiste (tendance social-libérale), qu’il a ensuite été secrétaire général du think tank En temps réel, avant de rencontrer Emmanuel Macron et de tomber sous le charme du futur Président. Élu député du Val-de-Marne en 2017, il a été désigné par ses collègues rapporteur du budget mais, sous la pression, a dû laisser sa place à Joël Giraud, jugé plus expérimenté. Il a récupéré le poste en 2020, quand Joël Giraud a été nommé ministre. On vous l’avait dit : ce n’est pas passionnant.
Une mesure forte s’il est président de région : un « fonds d’épargne populaire » pour soutenir les petites entreprises abondé par la région (1 euro investi : 1 euro apporté, jusqu’à 300 euros).

Retrouvez toutes les séries avec Laurent Saint-Martin.

Salarié d’ONG, Julien Bayou, 40 ans, s’est d’abord fait connaître dans les années 2000 par son militantisme tous azimuts pour des causes très diverses. Il a fondé Génération précaire (contre la condition des stagiaires) et Jeudi noir (pour dénoncer la crise du logement), a animé le mouvement Nuit debout, s’est porté partie civile dans l’affaire des emplois fictifs de la maire de Paris, a saisi le tribunal administratif pour attaquer la Société générale dans l’affaire Kerviel… Il est engagé depuis 2010 chez EELV, dont il est devenu le secrétaire national en 2019. Il incarne une ligne de gauche (il a convaincu Benoît Hamon de le soutenir pour l’élection régionale), tandis que Yannick Jadot milite pour des alliances au centre.
Une mesure forte s’il est président de région : un « green new deal » pour créer jusqu’à 200 000 emplois dans l’environnement.

Retrouvez toutes les séries avec Julien Bayou.

Fille de la comédienne Dominique Laffin (elle raconte ses liens compliqués avec sa mère, décédée à 33 ans d’une crise cardiaque, dans l’ouvrage Dites-lui que je l’aime – Grasset, 2019), Clémentine Autain, 48 ans, milite à la gauche de la gauche depuis très jeune, tout en ayant de bons rapports avec le PS. Passée par l’Unef, créatrice de Mix-Cité, un mouvement féministe, elle a été adjointe à la Jeunesse de Bertrand Delanoë à la mairie de Paris avant de participer à la création du Front de gauche en 2012 avec Jean-Luc Mélenchon et d’être élue députée de la Seine-Saint-Denis en 2017 sous l’étiquette La France insoumise. Un parcours qui lui permet d’incarner un visage plus conciliant aux alliances à gauche que celui de Jean-Luc Mélenchon. D’ailleurs, ô sacrilège, il arrive même à Clémentine Autain de critiquer publiquement Jean-Luc Mélenchon.
Une mesure forte si elle est présidente de région : la création de 300  maisons de santé cofinancées par la région.

Retrouvez tous les épisodes avec Clémentine Autain.

Âgé de 25 ans, Jordan Bardella n’a pas connu grand-chose dans la vie à part le militantisme d’extrême droite. Adhérent au Front national, devenu le Rassemblement national, depuis l’âge de 16 ans, il a abandonné ses études de géographie en fac pour devenir dès 20 ans conseiller régional Île-de-France et être choisi en 2019 par Marine Le Pen pour conduire la liste du parti aux élections européennes. Son style de jeune propre sur lui et dont pas une mèche ne dépasse lui vaut le surnom de « Cyborg » parmi ses amis politiques, mais cela séduit les électeurs : il termine en première position du scrutin et devient vice-président du RN. Dans la grande tradition d’un parti où la politique se mélange aux affaires familiales, il se met alors en couple avec une des petites-filles de Jean-Marie Le Pen, Nolwenn Olivier, fille de Marie-Caroline Le Pen. Si ces deux-là se reproduisent, la dynastie Le Pen risque de nous emmerder encore de longues années.
Une mesure forte s’il est président de région : deux agents armés dans chaque gare et chaque station de métro.

Retrouvez tous les épisodes avec Jordan Bardella.

Au terme de six ans de mandat, on ne peut pas enlever à Laurent Wauquiez, ancien maire du Puy-en-Velay, de connaître finement la géographie de sa région, tant il s’est employé à planter devant chaque lieu ou établissement subventionné par sa collectivité ses panneaux au logo bleu et blanc. (Bien) né à Lyon, il a grandi à Paris, passant par le prestigieux lycée Louis-le-Grand, la khâgne d’Henri-IV, l’École normale supérieure et Sciences-Po, avant de sortir major de promo de l’ENA en 2001. Collaborateur du ministre UDF Jacques Barrot, il devient le plus jeune député de France en 2004 en gagnant la circonscription de la Haute-Loire. Secrétaire d’État chargé de l’Emploi, ministre des Affaires européennes puis de l’Enseignement supérieur et de la Recherche au sein des gouvernements Fillon, Laurent Wauquiez arrache fin 2015 l’Auvergne-Rhône-Alpes aux majorités socialistes précédentes. Durant le mandat, le style a évolué. Dans un premier temps très occupé à briguer la présidence des Républicains à Paris, il porte à chaque apparition publique sa fameuse parka rouge (et ça lui vaudra le titre d’une série des Jours rien qu’à lui, Sous la parka). Depuis la déroute de son parti aux élections européennes en 2019 et sa démission de LR, Wauquiez arbore une barbe mi-baroudeur, mi-vétéran. Avec le masque, ça gratte, c’est ballot.
Une mesure forte s’il est président de région : la sé-cu-ri-té. Dans les trains, dans les lycées, et puis dans les trains et les lycées, qui dépendent bien de la région. Parce que pour ce qui est de la sécurité en elle-même, ça reste une compétence régalienne, quoi qu’en dise le favori des sondages.

Retrouvez toutes les séries avec Laurent Wauquiez.

C’est à la région que Najat Vallaud-Belkacem, à 27 ans, a exercé son tout premier mandat politique, comme conseillère de Rhône-Alpes. Dix-sept ans plus tard, c’est aussi à cet échelon que la quadra a décidé de faire son retour en politique pour affronter Laurent Wauquiez, l’hyperprésident d’une grande région de plus de 8 millions d’habitants. Propulsée par Gérard Collomb puis Ségolène Royal et François Hollande, Najat Vallaud-Belkacem a fait son entrée au gouvernement à l’arrivée de la gauche au pouvoir en 2012, comme ministre des Droits des femmes puis ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Battue aux élections législatives à Villeurbanne par Bruno Bonnell en 2017, « NVB » retourne à la vie civile après avoir renoncé à briguer le poste de première secrétaire du PS. Directrice générale des études internationales et de l’innovation sociale à Ipsos puis directrice générale de l’ONG One en France et présidente du conseil stratégique de la Fondation Tent, elle enseigne à Science-Po Paris et dirige une collection chez l’éditeur Fayard.
Une mesure forte si elle est présidente de région : confier la présidence de la commission des finances à un élu de l’opposition et créer un Parlement climatique et social composé d’experts, de citoyens, d’ONG pour évaluer en temps réel l’action de l’exécutif régional.

Retrouvez tous les épisodes avec Najat Vallaud-Belkacem.

Elle connaît bien sa région, à défaut d’être connue au-delà des cercles militants écologistes. Diplômée de Science-Po Lyon et de l’Institut d’administration des entreprises de Chambéry, Fabienne Grébert, 56 ans, vit à Annecy, dont elle est conseillère municipale depuis 2020. Conseillère régionale depuis 2015 et cheffe de file, dans l’hémicycle tenu par Laurent Wauquiez, de l’opposition écolo alliée à La France insoumise, cette consultante en responsabilité sociale des entreprises et maîtresse de conférences associée à l’université Savoie-Mont-Blanc ne vient pas de l’establishment vert mais du micro-parti Nouvelle Donne, créé par l’économiste et eurodéputé Pierre Larrouturou. Dédaignant l’alliance avec la gauche au premier tour, la candidate s’y résoudra au soir du 20 juin.
Une mesure forte si elle est présidente de région : expérimenter à l’échelle régionale un « revenu d’autonomie » pour les 18-25 ans, dans la lignée du « revenu de solidarité jeunes » qui vient d’être lancé par l’exécutif écologiste de la métropole de Lyon.

Retrouvez tous les épisodes avec Fabienne Grébert.

Rien que la constitution de sa liste « Pour le climat, pour l’emploi » est un exploit : Karima Delli rassemble son parti d’origine Europe Écologie - Les Verts (EELV), le Parti socialiste, La France insoumise et le Parti communiste – ainsi que Génération·s, Place publique, le Parti radical de gauche et les Radicaux de gauche. Comme quoi, il semble possible d’unir la gauche, mais difficile : seuls les Hauts-de-France la voient marcher de concert pour ces élections régionales. À 42 ans, Karima Delli est députée européenne EELV depuis douze ans déjà et elle préside la commission transports et tourisme du Parlement européen, l’un de ses dadas politiques.
Une mesure forte si elle est présidente de région : la gratuité des transports régionaux pour les moins de 26 ans.

Retrouvez tous les épisodes avec Karima Delli.

Comme le rappeur Dr. Dre, son aîné d’un mois, Xavier Bertrand, 56 ans, tente d’être toujours au-dessus du game. Et particulièrement pour les élections régionales dans les Hauts-de-France : il a en effet conditionné son destin présidentiel (de la France) à une victoire dans le Nord. Soutenu officiellement par Les Républicains, qu’il a pourtant quittés en 2017 après l’élection de Laurent Wauquiez à la tête du parti, Xavier Bertrand, plusieurs fois ministre, s’est replié sur le conseil régional des Hauts-de-France qu’il préside depuis 2015 grâce au retrait des socialistes qui ont appelé à faire barrage à Marine Le Pen. Il en fait désormais son tremplin pour l’Élysée.
Une mesure forte s’il est réélu président de région : financer 90 % du coût du permis de conduire pour les jeunes, qu’ils soient étudiants ou demandeurs d’emploi.

Retrouvez toutes les séries avec Xavier Bertrand.

Le garde des sceaux Éric Dupond-Moretti fait partie de ces ministres envoyés par Emmanuel Macron au front des régionales pour tenter de prévenir le crash attendu du parti présidentiel lors de ce scrutin : il dirige la liste La République en marche du Pas-de-Calais, la tête pour la région étant tenue par Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des Retraites. À 60 ans, l’ancien pénaliste, entré officiellement en campagne ici pour contrer le Rassemblement national, donne aussi de sa grosse voix pour enquiquiner Xavier Bertrand et perturber ses visées élyséennes. On verra bien ce que ça donnera au second tour.
Une mesure forte si Laurent Pietraszewski est président de région : un « Passe liberté » à 1 000 euros pour payer le permis de conduire de chaque jeune à sa majorité.

Retrouvez toutes les séries avec Éric Dupond-Moretti.

Médecin de profession et Marseillais pure souche – il a été premier adjoint pendant treize ans –, Renaud Muselier, 62 ans, vante l’implication de sa région dans la crise sanitaire. D’abord soutien de Didier Raoult, comme le veut la tradition locale dans la droite marseillaise, le président sortant s’affiche ensuite aux côtés des restaurateurs, lorsque ceux-ci pestent contre la fermeture des établissements. À l’heure du bilan, Renaud Muselier vante aussi ses actions écologiques, pourtant estimées insuffisantes par la gauche. Il tente aussi quelques innovations sécuritaires, comme l’installation de systèmes de reconnaissance faciale dans les lycées, projet finalement stoppé net par la justice. Lorsqu’il est élu à la tête de la région en 2017 à la suite de Christian Estrosi, ce mandat de première importance met fin à une décennie plutôt malchanceuse. Il garde particulièrement en travers sa défaite surprise contre les socialistes en 2008 pour la présidence de la communauté urbaine. Une autre époque : depuis, la gauche a perdu presque toutes les collectivités du coin.
Une mesure forte si il est président de région : consacrer d’ici six ans 20 % du budget de la région à la sécurité.

Retrouvez tous les épisodes avec Renaud Muselier.

Totalement inconnu, Jean-Laurent Félizia risque pourtant d’être au cœur des préoccupations en Paca le dimanche 20 juin au soir. À la clé : la question du maintien, ou non, au second tour des régionales face au risque de voir le RN l’emporter. Pour le moment, cet entrepreneur paysagiste, encarté chez EELV, s’oppose au retrait. En 2015, la liste de Christophe Castaner – alors socialiste – s’était effacée. Mais pas question de priver la gauche une deuxième fois d’une présence au conseil régional. Militant d’opposition à la ville du Lavandou, dans le Var, département qui ne compte plus aucune ville à gauche depuis le passage à droite de la Seyne-sur-Mer en juin 2020, Jean-Laurent Félizia veut s’affirmer comme un candidat de conviction. S’il a le mérite de mener une liste d’union écologiste, communiste et socialiste (mais sans La France insoumise), sa nomination comme numéro 1, sans qu’il parvienne véritablement à se faire connaître ni à s’imposer dans les débats, en laisse certains perplexes.
Une mesure forte si il est président de région : la mise en place d’un « passe culture sport » qui limite à 10 euros l’adhésion d’un jeune à une association culturelle ou sportive.

Retrouvez tous les épisodes avec Jean-Laurent Félizia.

Thierry Mariani connaît bien l’exercice des régionales : en 2010, il avait été investi par l’UMP pour être tête de liste en Paca et avait fini deuxième, derrière les socialistes. Avant cela, ce natif du Vaucluse se consacrait surtout aux mandats locaux, notamment à la mairie de Valréas, qu’il a dirigée pendant seize ans. À l’époque fidèle filloniste, il est nommé par ce dernier ministre des Transports sous Nicolas Sarkozy. Mais ce sont ses positions en matière de politique internationale qui le font véritablement connaître à l’échelle nationale. Soutien du gouvernement autoritaire de l’Azerbaïdjan contre l’Arménie et de Vladimir Poutine, Thierry Mariani est surtout un proche, un ami même, du dictateur syrien Bachar Al-Assad. Il se rend dans le pays en guerre à cinq reprises, contraignant son parti (Les Républicains) à prendre ses distances. Le virage à l’extrême droite est consacré lors des élections européennes de 2019, durant lesquelles il est investi – puis élu – par le RN.
Une mesure forte s’il est président de région : des agents de sécurité armés dans les trains régionaux.

Retrouvez toutes les séries avec Thierry Mariani.