Ce mois-ci, « Les dessous des “Jours” » tombent un jour de Toussaint
Il faut commencer par le commencement. Le 7 octobre, le Hamas attaque Israël dans la bande de Gaza : 1 400 Israélien•ne•s périssent dans ces attentats, une hécatombe inédite depuis la Seconde Guerre mondiale. Évidemment, la question de traiter cet événement majeur ne se pose pas un instant : il nous faut quelqu’un sur le terrain. Mais tous nos contacts en Israël sont pris d’assaut, notamment par des rédactions aux moyens bien plus conséquents que les nôtres. Et qui, souvent, publient des comptes rendus heure par heure de la situation sur place, ce qui n’est pas notre promesse. Difficile, dans ces conditions, de garantir un article façon Les Jours, qui plus est le plus tôt possible.
Quand soudain… Charlotte Gauthier. Basée à Jérusalem depuis 2020, cette journaliste free-lance sera la femme de la situation. Et nous démarrons le 15 octobre la série Israël en guerres (au pluriel, oui, parce qu’elles sont multiples) par un grand récit de Charlotte sur la première semaine du conflit. Les témoignages qu’elle obtient sont terribles : Tal a survécu à l’attaque du festival techno Tribe of Nova et raconte les cadavres qui s’empilent dans l’abri où elle s’est réfugiée, un réserviste israélien témoigne de sa volonté d’« éliminer le Hamas, [donc] d’éliminer Gaza » ; Ahmed, à Gaza City, raconte le début du calvaire des Gazaouis : « Cette fois encore, c’est nous, peuple palestinien, qui payons le plus lourd tribut. Pas le Hamas », dit-il.
Et les idées s’accumulent. Bientôt (vite, même !), un autre journaliste, également installé en Israël, apportera un nouvel éclairage à la série Israël en guerres. Sophian Fanen met sa série Face A, face B au diapason avec les aventures musicales israéliennes de Leonard Cohen et de Serge Gainsbourg. Notre dessinateur Loïc Sécheresse, lui, se fend d’une saisissante Alerte Sécheresse, « Les deux côtés du mouroir ». Écrire sur un conflit de cette envergure n’est pas tâche aisée, mais être un média indépendant et à taille humaine nous permet de ne pas céder à la frénésie et à la guerre des images et de la communication qui inondent les réseaux depuis le 7 octobre.
La guerre pendant la guerre. Le conflit Israël-Hamas l’a éclipsé mais en Europe aussi, on se bat : en Ukraine, les troupes de Volodymyr Zelensky affrontent celles de Vladimir Poutine et Fabrice Desprez, depuis Kyiv, raconte le sens de la contre-offensive menée depuis des mois. D’un mort à l’autre, trois ans après l’assassinat de Samuel Paty, un autre enseignant, Dominique Bernard, est mort, poignardé par un jeune Russe d’origine ingouche qui, la veille, avait pourtant été contrôlé par la DGSI. Que conclure de ce type d’informations ? Beaucoup en ont profité pour relancer l’illusoire débat sur la prévention totale du crime et les failles supposées de la loi. Sauf que le risque zéro en matière d’antiterrorisme n’existe pas, rappelle Thierry Lévêque dans un nouvel épisode de L’hydre. Mais c’est bien dans ce contexte qu’une nouvelle loi immigration, dont nous suivrons le chemin parlementaire à partir du 6 novembre dans une nouvelle série se prépare.
Monstrueuse tâche. Comme si ça ne suffisait pas, aujourd’hui est le jour de notre publication mensuelle des féminicides présumés du mois écoulé. En octobre, au moins cinq femmes ont été tuées par leur mari, compagnon ou ex. Les violences faites aux femmes perdurent. Et les proches des victimes vivent parfois une horreur indicible, une monstrueuse tâche, celle de devoir nettoyer les scènes des crime, malgré un récent décret leur permettant de s’éviter cette épreuve brutale. C’est ce qu’explique Pierre Bafoil dans un épisode à la lecture éprouvante mais urgente.
Il nous a quitté en octobre. Salut, Jean-Marie Argoud ! Ce magistrat de la Cour nationale du droit d’asile, qui avait manifestement oublié son devoir de réserve sur les réseaux, étalait depuis des années ses positions racistes, islamophobes et antiréfugiés. Ce qui passe mal, pour quelqu’un qui doit étudier les demandes de recours… de personnes étrangères contre les décisions de l’Ofpra en matière de demande d’asile. Dont acte : nos révélations ont conduit à sa récusation le mardi 24 octobre. Bim !
Il nous a (aussi) quitté en octobre. On termine cette liste macabre avec le décès de Jean-Pierre Elkabbach, parti dans un concert de louanges, malgré les notes dissonantes des Garriberts. Qui rappellent sa complaisance à l’égard de tous les pouvoirs et racontent l’hallucinant hommage d’Emmanuel Macron à celui qui a œuvré au rapprochement entre CNews et Europe 1. Plutôt qu’à Jean-Pierre Elkabbach, fions-nous aux anciens élus de la Société des journalistes du JDD pour comprendre le léger souci avec Vincent Bolloré, dont ils ont fait les frais en quittant le journal désormais dirigé par Geoffroy Lejeune au terme d’une grève inédite.
Faites-le pour vous. Écrire sur des sujets aussi complexes que le conflit israélo-palestinien, analyser les nouvelles formes du terrorisme jihadiste en France, enquêter sur des magistrats qui penchent à l’extrême droite, ce ne serait pas possible sans vous. Soutenez-nous, abonnez-vous, notre survie en dépend !
Pour finir sur une note plus joyeuse… Et si on vous parlait de cyberharcèlement et de traumatismes ? Dans le dernier épisode de notre série sur les influenceurs, nous déroulions le harcèlement soufflé par le rappeur Booba à ses « pirates » à l’encontre de Magali Berdah, « papesse des influenceurs » dont l’ascension n’est pas exempte de nombreux dérapages et arrangements avec la loi, ainsi que l’expliquait Marjolaine Koch dans l’épisode précédent. La vie est complexe, que voulez-vous… Moins connues mais tout aussi touchées, les victimes du groupe complotiste et antivax Vivi, dont nous avons suivi le procès, ont elles aussi été gravement et durablement bouleversées.
Un peu de justice. C’est ce qu’attendent les personnes trans : dans le premier épisode de notre nouvelle série La vie des genres, elles racontent à Élie Hervé la violence des juges et des tribunaux. Jusqu’en 2016, les personnes trans devaient être stérilisées pour se voir accorder le genre qu’iels vivent, et pas celui qui leur a été assigné à la naissance. Aujourd’hui, les choses changent. Trop peu, trop lentement.
Rions (enfin). Avec les titres auxquels vous avez échappé : la saga des marchands d’art Wildenstein et le dernier épisode sur une toile de Monet a vu la rédaction des Jours s’affronter rudement entre partisans de Dire Straits (il y en a, mais nous ne balancerons pas les noms) avec « Monet for Nothing » et de Rihanna (il y en a plus) avec « Bitch Better Have My Monet ». Contre toute attente, ce sont les fans d’ABBA qui ont gagné avec « Money, Money, Monet ».
On se retrouve le mois prochain, e-bisous.