Les disparus

Andrea Bonomo est chargé de la lutte anti-mafia et de la traite des êtres humains à Catane, en Sicile. Le travail de la justice est rendu difficile par l’impossibilité de poursuivre les passeurs à la tête des réseaux quand ils se trouvent dans des pays tiers comme la Libye ou l’Érythrée. La plupart du temps, Andrea Bonomo doit se contenter de poursuivre les capitaines des bateaux qui sont souvent des migrants comme les autres. Ils écopent en général de peines de trois à quatre ans de prison, ou plus s’il y a eu des morts pendant la traversée, imputables aux conditions de voyage.

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Née en 1964, Cristina Cattaneo est médecin légiste et professeure à l’université de Milan, où elle dirige l’Institut médico-légal Labanof depuis sa création, en 1995. Experte auprès de la justice italienne, Cristina Catteneo est également membre depuis 2014 d’un groupe de travail de médecine légale du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Elle a écrit plusieurs ouvrages sur son travail, dont Morti senza nome (2006) sur des cas de morts anonymes, et I diritti annegatti (2016) sur les morts en Méditerranée.

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Né en 1956, Giuseppe Romano est commandant régional des pompiers pour la région de Vénétie. Il dirigeait les opérations de récupération des corps à la base militaire sicilienne de Melilli pendant l’été 2016. Il a travaillé avec des équipes de pompiers volontaires, venus de Sicile et du continent. Avant cette mission, il avait participé à des opérations de secours en Colombie, au Kosovo, au Sri Lanka et aux États-Unis, après l’ouragan Katrina.

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Né en 1975, ancien maire de Florence, Matteo Renzi représente le Parti démocrate italien. Premier ministre du 22 février 2014 au 12 décembre 2016, il a démissionné à la suite du rejet de la réforme constitutionnelle qu’il avait initiée (59 % de « non » au référendum). Pendant son mandat, Renzi a insisté sur la nécessité d’une réponse européenne à la question des migrants, prônant l’accueil et appelant les États à « surmonter leur peur ». Parallèlement, il a entamé des négociations avec la Libye pour bloquer les départs vers l’Italie. Il a également pris position pour des rapatriements rapides de ceux dont les demandes d’asile étaient refusées. C’est sous son autorité qu’a été prise la décision de renflouer le chalutier où a péri PM390047 : « Nous ne pouvons pas penser que ce sont des chiffres qui sont morts. Ce sont des êtres humains », expliquait alors le Premier ministre.

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Né en 1988, Mohamed Ali Malek est tunisien. Il pilotait le chalutier bleu où se trouvait PM390047. Poursuivi pour homicides involontaires et aide à l’immigration irrégulière, il a été condamné à dix-huit ans de prison. Mahmud Bikhit, né en 1990 en Syrie, était son second. Il a été condamné à une peine de cinq ans de prison pour aide à l’immigration irrégulière.

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Né en 1952, Vittorio Piscitelli dirige le Bureau des personnes disparues à Rome depuis 2014. Il a fait sa carrière comme fonctionnaire au ministère de l’Intérieur. Avant d’être nommé à Rome, il a été préfet à Reggio de Calabre, dans le sud de l’Italie. C’est lui qui représente les autorités italiennes dans le processus d’identification des migrants disparus et coordonne le travail de la justice et de la recherche des familles.

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PM, comme « post mortem ». Tout ce que l’on sait de PM390047, c’est la date de son décès : le 18 avril 2015. Il est mort, comme 800 autres migrants, lors du naufrage du chalutier qui l’amenait vers l’Italie. Il ne reste de lui qu’un portable Nokia jaune citron que les sauveteurs ont sorti de l’épave. Son identité alpha-numérique provisoire est désormais inscrite au feutre noir sur un sachet, lui-même rangé dans un carton entreposé sur une étagère de la morgue de la faculté de pathologie de Milan, en Italie. Comme des centaines d’autres. Dans « Les disparus », Taina Tervonen part sur ses traces.

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Bosnienne, Dika Dulic a d’abord travaillé sur la question des disparus dans son pays, avec des associations de familles. Depuis 2009, elle travaille avec le CICR. Elle a d’abord en Irak, sur les disparus de la guerre Iran-Irak et la guerre de Koweit. Entre 2013 et 2016, elle est en mission au Burundi. Depuis novembre 2016, elle travaille sur les disparus de la Méditerranée au bureau régional du CICR, à Athènes, où elle dirige une équipe de sept personnes.

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Universitaire d’origine, Kirsi Henriksson s’est spécialisée dans les études sur la paix et les conflits. Depuis septembre 2016, cette Finlandaise dirige l’opération Eucap Sahel au Niger, une mission civile de l’Union européenne créée en 2012 pour lutter contre le terrorisme et la criminalité organisée dans la région du Sahel. Auparavant, elle a travaillé en Irak, en Libye puis au Mali, pour des missions similaires. Pour Kirsi Henriksson, le contrôle des frontières ne peut être qu’une « mesure cosmétique » si les problèmes de fond sont ignorés. Elle quittera le Niger le 1er avril 2018 pour rentrer en Finlande en tant que directrice du Centre de gestion de crise de la Finlande (Crisis Management Center Finland).

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Ousman Gaye a quitté la Gambie à l’âge de 16 ans pour aller travailler en Italie. Il a tenté de traverser la Méditerranée à deux reprises, sans succès. Fin 2017, il a décidé de rebrousser chemin vers l’Algérie, en espérant y trouver du travail. Il a été arrêté par la police algérienne et expulsé vers le Niger. Il a alors demandé à bénéficier du retour volontaire de l’OIM, pour rentrer en Gambie où il est arrivé en février 2018. Des quatre amis avec qui Ousman était parti trois ans plus tôt, deux sont arrivés en Italie, et deux sont morts sur la route. Le premier dans une prison libyenne, le second sur la Méditerranée.

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Bashir Amma a commencé à travailler comme passeur en 2000. Il a appris le métier en travaillant avec un courtier à l’autogare d’Agadez, puis il a montré son propre business. Avant d’être passeur, il était « chasse-touriste » : il vendait des objets d’artisanat aux touristes, nombreux dans la région dans les années 1990. En 2014-2015, Bashir Amma travaillait avec une dizaine de chauffeurs libyens et pouvait gagner entre 3 et 4 millions de CFA par semaine, c’est-à-dire entre 4 615 et 6 150 euros. Il a arrêté son business après la mise en application en 2016 de la loi 2015-36, criminalisant le transport de migrants. Bashir Amma est aussi propriétaire du club de foot d’Agadez, Nassara AC.

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Avant la mise en application de la loi 2015-36 criminalisant le transport de migrants, Ibrahim Mamane était passeur. Il trouvait des passagers pour les camions en partance vers la Libye. Il faisait ce métier depuis 1998. Aujourd’hui, à défaut de convoyer les voyageurs eux-mêmes, avec d’autres anciens passeurs, il fait de la sensibilisation aux candidats à l’exil, en attendant de recevoir les aides promises pour leur reconversion.

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Avant la mise en application de la loi 2015-36 criminalisant le transport de migrants, Issa Ikilila était courtier à l’autogare d’Agadez au Niger depuis la fin des années 1980. Il s’occupait de les mettre en contact avec des chauffeurs inscrits pour le prochain départ. Aujourd’hui, à défaut de convoyer les voyageurs eux-mêmes, avec d’autres anciens passeurs, il fait de la sensibilisation aux candidats à l’exil, en attendant de recevoir les aides promises pour leur reconversion.

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Ousmane Maidambe est seul chargé de l’enregistrement des demandes d’asile dans la région d’Agadez, au Niger. Depuis l’été 2017, il est de plus en plus débordé. Les personnes ayant besoin de protection internationale sont désormais incitées à demander l’asile directement au Niger (le sixième pays le plus pauvre du monde), au lieu de tenter la traversée de la Méditerranée vers l’Europe. Parmi les demandeurs, il y a des Soudanais, des Centrafricains, des Camerounais, des Nigérians, des Guinéens, et même des Pakistanais.

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Ancien leader des rebelles touareg, Mohamed Anacko préside aujourd’hui le conseil régional d’Agadez. C’est lui qui reçoit en premier les doléances des habitants qui se retrouvent au chômage depuis l’application de la loi 2015-36, interdisant le trafic illicite de migrants. Il a réussi à contenir la colère de la population en invoquant les aides au développement promises par l’Union européenne. Alors que ces aides tardent à arriver, il craint que la frustration ne jette les jeunes désœuvrés dans les bras de la criminalité organisée et du terrorisme.

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Ibrahim Diarra a fui la guerre dans le nord du Mali à l’âge de 14 ans. Il est parti seul et a atterri à Agadez, au Niger, avec un ami rencontré en chemin. L’ami avait de quoi payer le passeur ; Ibrahim, non. Il est resté à Agadez où il vit depuis dix mois, sans argent.

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Dans son pays, en Côte d’Ivoire, Mohamed Coulibaly était menuisier. Il veut rejoindre l’Italie et a payé 700 000 francs CFA (environ 1 080 euros) pour le voyage. Pour le moment, il n’a jamais pu tenter la traversée du désert : le passeur s’est volatilisé avec son argent. Il vit à Agadez depuis neuf mois.

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À Agadez, au Niger, Sanda Issoufou est chargé des enquêtes qui visent à retracer les parcours de migrants disparus sur la route et recherchés par leurs familles. Ce sont souvent des enquêtes longues, sans résultat garanti. Il s’occupe également de prévention et de l’implantation sur le terrain de projets autour de la recherche des disparus : kiosques téléphoniques, conseils aux migrants. Ces projets sont menés en lien avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et les Croix-Rouges nationales.

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José Pablo Baraybar dirige la mission « forensics » du CICR consacrée au migrants disparus en Méditerranée depuis mai 2017. Il coordonne le travail de l’équipe de médecine légale en Grèce, ainsi que les recherches des familles, en lien avec les Croix-Rouges et Croissants-Rouges nationaux. D’origine péruvienne, José Pablo a longtemps travaillé avec les disparus dans son pays, où il a fondé une association qui leur est consacrée. Il a ensuite mené des missions d’enquête et de formation dans plusieurs pays. Il a notamment été expert légiste pour le Tribunal pénal international pour le Rwanda ainsi que pour le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, de 1996 à 2007.

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Tidiane Ndiaye, 40 ans, habite le petit village de pêcheurs de Yarakh, dans la banlieue de Dakar, au Sénégal. En 2006, il a embarqué dans une pirogue en direction des îles Canaries. La traversée a duré sept jours. Rapatrié au Sénégal un mois plus tard, il considère ce retour comme « une chance ». Il est aujourd’hui professeur d’éducation physique dans un collège dakarois et père d’un enfant de 7 ans.

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Ibrahima Senghor, 29 ans, habite le village de Kothiary, dans le sud-est du Sénégal. Il a quitté son village fin novembre 2014. Il a tenté de traverser la Méditerranée à deux reprises, en janvier puis en avril 2015. La deuxième fois, il devait monter à bord du chalutier bleu parti des côtes libyennes au petit matin du 18 avril 2015. Il faisait partie des cinquante dernières personnes qui n’ont pas été autorisées à embarquer, par manque de place. Le bateau a coulé le soir même, avec environ 800 personnes à bord. Parmi eux, il y avait PM390047 et plusieurs personnes qu’Ibrahima connaissait.

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