Treize Novembre

Patrick Bloche aime le XIe arrondissement, « c’est toute ma vie », dit l’homme politique. Il en a été le maire, de 2008 à 2014. Élu de la 7e circonscription, il en est encore le député. Et il demeure le référent du quartier République-Saint-Ambroise où se situe le Bataclan, dont il connaît bien les propriétaires. Voilà près de 40 ans qu’il y habite, y fréquente les cafés, les habitants, en cultive la mémoire. Patrick Bloche est socialiste, il a été l’un des artisans du Pacs, il préside actuellement la commission des Affaires culturelles. Le soir du 13 novembre, il a quitté l’Assemblée nationale pour rejoindre le commissariat du XIe puis la mairie pour accueillir les premières victimes.

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Réceptionniste dans un hôtel, graffeur et converti à l’islam, Vincent (son prénom a été modifié) est assigné à résidence depuis le 27 novembre. Ce Franco-Libanais de 32 ans vit à Aubervilliers avec sa femme et son fils d’un an et demi. Il pointe au commissariat trois fois par jour et doit rester chez lui de 20 heures à 6 heures du matin alors qu’il travaille de nuit. Le ministère de l’Intérieur lui reproche une pratique religieuse « fondamentaliste » et des fréquentations radicales. Très pieux, Vincent se défend de toute intention jihadiste. Il a appris le 25 février que le ministère de l’Intérieur n’avait pas reconduit son assignation.

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Barbara Romagnan est une personnalité atypique dans le milieu politique. Femme, élue députée à 38 ans en 2012, elle est docteure en sciences politiques et a été enseignante. Cela imprègne sa manière de penser et de s’exprimer : elle formule régulièrement ses doutes et les assume, ce qui est plutôt rare dans l’arène politique. Entre loyauté au PS dont elle est une militante depuis vingt ans et libre arbitre, elle essaie de tracer sa voie. Elle se range parmi les rénovateurs, on l’étiquette « frondeuse ». Souvent minoritaire, elle dit ne pas chercher à contester l’autorité. Elle a voté non au maintien de l’état d’urgence (seuls six députés ont fait ce choix) et ne décolère pas de la proposition de la déchéance de nationalité qu’elle juge honteuse. Barbara Romagnan fait également partie des parlementaires que Les Jours ont suivis dans l’obsession Politique année zéro.

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Depuis les attentats de novembre, le « monsieur Sécurité » du Parti socialiste est sur tous les fronts. Rapporteur de la loi sur l’état d’urgence, le 20 novembre, il en assure ensuite le contrôle et constate « l’essoufflement » des mesures dès la mi-janvier. Le gouvernement compte alors sur le président de la commission des lois, bosseur et diplomate, pour faire avaler la pilule de la déchéance de nationalité (à laquelle il ne croit pas lui-même). Quelques jours plus tard, ce proche de Manuel Valls est finalement appelé à rejoindre le gouvernement lorsque Christiane Taubira pose sa démission. Artisan de la loi renseignement, son nom est plutôt associé aux services de police qu’à la magistrature. Il rêvait de l’Intérieur, il est à la Justice.

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Tuyen a aménagé dans un appartement voisin du Bataclan à la naissance du premier de ses trois enfants, il y a dix ans. Il habite le XIe arrondissement de Paris depuis 1998. Il est né à Saïgon et a grandi à Caen. Ses frères et sœurs vietnamiens ont été éparpillés aux quatre coins du monde lors de la guerre du Vietnam. L’offensive communiste a conduit son père en prison pendant huit ans. Ici, Tuyen s’emploie à construire une famille solide et solidaire. Son métier de consultant le passionne moins que la cuisine. Il adore la BD et collectionne les dédicaces. Il est frileux, disparaissant l’hiver sous bonnet et écharpes et chaleureux, toujours à offrir un verre de blanc pour l’apéro.

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Elle aime aller aux concerts et depuis le 13 Novembre, elle pleure quand elle écoute « The Partisan » de Leonard Cohen. Sophie était attablée à la terrasse du café du Bataclan le vendredi des attentats, quand les terroristes ont fait irruption. Elle est consultante, a deux enfants et vit dans le XIe arrondissement. Elle s’était installée dehors, pour travailler et fumer tranquillement, ce qu’elle aime bien faire une fois ses enfants couchés. Elle a entendu les coups de feu, avant de voir le tireur. Puis elle s’est cachée. Depuis, pas à pas, elle retrouve sa vie, les cafés, et les concerts. Pas l’insouciance.

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Brigitte Baudelot est enseignante dans le XIe arrondissement de Paris, dans une école située non loin du Bataclan, à proximité des lieux des attentats du 13 Novembre, mais également à quelques rues des locaux de Charlie Hebdo attaqués en janvier 2015. Elle se retrouve avec une classe d’enfants de ce quartier meurtri, dont beaucoup ont entendu les fusillades ou vu des blessés, le vendredi 13 novembre au soir. Avec eux, elle parle de la liberté, de la laïcité, de l’avenir. Elle a été nommée il y a dix ans, en 2006. Elle est maître formateur. Auparavant elle a enseigné à Paris, dans les IXe, XVIIIe et XIIe arrondissements, et dix ans en REP, dans le XXe. Elle aime son métier.

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Brahim vit depuis toujours à Échirolles, en banlieue de Grenoble. Dans sa jeunesse, ses « conneries » (du trafic de stupéfiants) l’ont conduit en prison, une dizaine d’années au total. Le ministère de l’Intérieur, qui le trouve « radicalisé », l’a perquisitionné puis assigné à résidence. Ce maçon intérimaire et père de deux petites filles se définit comme « musulman pratiquant », « de gauche ». Brahim pointe trois fois par jour au commissariat de Grenoble. Il condamne sans ambiguïté les attentats de novembre et conteste le traitement qui lui est réservé. Son assignation a été levée le 18 décembre, mais ni la préfecture, ni l’hôtel de police ne l’ont prévenu et il ne l’a appris que deux mois plus tard.

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Juge d’application des peines à Meaux (Seine-et-Marne), Laurence Blisson est secrétaire générale du Syndicat de la magistrature (SM, classé à gauche). Depuis 2014, cette magistrate de 31 ans fait partie des principaux opposants aux mesures sécuritaires adoptées par la majorité socialiste  : la loi antiterroriste de Bernard Cazeneuve (novembre 2014), la loi renseignement concoctée par Jean-Jacques Urvoas (juillet 2015) et l’état d’urgence. Elle fait du nouveau projet de loi antiterroriste, discuté en mars 2016 au Parlement, sa prochaine bataille.

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Nathalie s’est toujours sentie bien dans le quartier. Jusqu’aux attaques de novembre. Costumière pour le théâtre ou le cinéma, elle s’est installée à quelques rues du Bataclan en 1998. Des logements neufs viennent alors d’être livrés, construits sur le site d’une ancienne marbrerie. Elle en sera l’une des nouvelles résidentes. « C’était un quartier central, festif, assez populaire. En face de chez moi, il y avait beaucoup d’ateliers et d’artisans, c’est un quartier qui se boboïse, s’embourgeoise. Des gens que j’aime bien s’en vont, virés financièrement. Ma voisine veut partir à Nantes, car tout est devenu trop cher. » Quand elle est arrivée, elle prenait son café chez Claude, au bistrot d’à côté. Aujourd’hui, à la place, c’est un restau où il faut réserver. Mais ce quartier, c’est son « nid ». Depuis les attentats, elle essaie d’y retrouver ses marques.

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